Salon du livre de Paris 2001© J-P Hubert |
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Lorsque, durant l'année 1998, je tombais en librairie
sur le roman Le Chat venu du futur de Michel et Dany
Jeury, mes yeux papillotèrent. S'il y a deux choses qui me
font particulièrement plaisir, c'est bien de découvrir
un nouvel auteur ou de voir revenir le temps d'un roman une signature
prestigieuse. Pour le coup, j'avais droit aux deux à la fois,
j'étais comblé. Christophe Thiennot Présences d'Esprits : Tu viens de publier ton premier roman écrit en solo [Squatteur de rêve !, chez Autres Mondes, Mango] après en avoir publié deux co-écrits avec ton père [Le Chat venu du futur chez Vertige SF, Hachette Jeunesse et Contes et légendes du Périgord chez Nathan]. Pourquoi avoir choisi d'écrire pour la jeunesse ? Et pourquoi écrire de la science-fiction, c'est une maladie génétique ? Dany Jeury : Quand j'ai eu envie de me lancer
dans l'écriture, je n'avais pas vingt ans. Pour bien sentir
mes personnages, il me semblait nécessaire qu'ils soient plus
jeunes que moi, ou du même âge. Qu'ils s'apparentent à
quelque chose que je connaisse : une période de vie pour laquelle
j'avais des références personnelles ! Des jeunes, donc.
Et puis j'avais encore en tête tous ces livres de mon enfance
que j'avais aimés à la folie. Pour moi, la littérature
jeunesse s'est imposée comme une évidence, dès
le début. Il n'en va pas de même pour la science-fiction
! !
Présences d'Esprits : Tu aurais pu choisir d'écrire des choses plus personnelles, genre Dany à la plage. La littérature jeunesse, n'est-ce pas aussi une façon de moins te dévoiler ? Dany Jeury : Peut-être bien que oui J'ai en effet besoin d'un certain décalage entre ma vie présente et les histoires que j'écris. Mais il faut dire aussi que la plupart des récits intimistes m'agacent assez, ce qui ne me donne pas très envie de donner dans le genre.
Présences d'Esprits : Comment réagis-tu (ou réagirais-tu) si on te chamboulait un des personnages que tu as créés ? T'attaches-tu beaucoup à eux ? Dany Jeury : Bien sûr que je m'attache à eux ! ! Je les aime, même. Sans quoi il me serait impossible de continuer à écrire leurs histoires. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille s'accrocher mordicus à chaque phrase, chaque scène, de son roman. Un travail en profondeur correspond souvent, pour moi, à un vrai chamboulement, et, même si c'est difficile au départ de barrer, recommencer, rajouter, affiner un texte que l'on aime, le résultat en vaut toujours la peine ! On en oublie vite les passages et les phrases dont on s'était séparé avec tristesse. Présences d'Esprits : Envisages-tu d'autres collaborations et d'autres collaborateurs ? Dany Jeury : Avec papa, oui. On a d'autres projets, mais pas pour tout de suite D'autres collaborateurs ? Non, non. Présences d'Esprits : Dans ta bibliographie officielle, il est question d'une maîtrise de sociologie. Tes études enrichissent-elles ton travail d'écriture ? Dany Jeury : Il s'agit en fait d'une maîtrise de psychologie. La sociologie, j'en fais juste depuis cette année, à mes heures perdues. J'adore apprendre de nouvelles choses ! Mes études enrichissent sûrement mon travail, mais pas plus que le reste de ce que je vis. Chaque expérience nouvelle, chaque lecture, chaque rencontre nourrit mon réservoir d'inspiration, c'est un des avantages de l'écrivain : tout ce qu'il vit peut-être utile pour son travail. C'est souvent une façon de positiver le quotidien ! Présences d'Esprits : Autant pour moi, il s'agit bien de psychologie. Et d'ailleurs, dans Squatteur de rêve !, il est question d'un adolescent qui se trouve prisonnier du rêve d'un autre. C'est un don que tu aimerais posséder, être capable de visiter les rêves de quelqu'un ? Dany Jeury : Non pas vraiment, je suis bien trop peureuse pour vouloir me risquer dans un monde inconnu ! D'autant que c'est justement les mondes imaginaires des autres qui me font le plus peur Dans l'histoire, je me verrai plutôt dans le rôle de Thibaut, le rêveur. Présences d'Esprits : Qu'est ce qui t'a amenée à vouloir écrire ? Dany Jeury : J'avoue que je ne sais pas. Petite, je voulais être institutrice, puis architecte, puis décoratrice d'intérieur, et, à nouveau, instit. Les années passaient et je prenais conscience que j'aimais par-dessus tout flâner dans mon monde intérieur et me raconter des histoires. Devoir affronter la vie active s'imposait à moi comme un destin inévitable et peu désiré alors je me suis lancée dans les études (psycho pourquoi pas ?) et en parallèle, j'ai suivi des cours particuliers d'écriture avec l'écrivain Régine Detambel. Je prenais de plus en plus de plaisir dans l'écriture, et cette activité a pris le pas sur l'autre (mes études, en l'occurrence), tout naturellement. Bien sûr, je suis encore étudiante, mais je sais aujourd'hui que c'est dans l'écriture que j'ai envie de me réaliser et non en tant que psychologue, ou sociologue. L'important aujourd'hui, c'est de me préserver un peu de temps pour écrire. Présences d'Esprits : Je suis assez content que tu me parles de cours d'écriture. Il arrive au Club Présences d'Esprits d'organiser des ateliers d'écriture et j'ai participé à la plupart d'entre eux. Je me souviens qu'au tout début, beaucoup de personnes nous avaient découragés : " Ce genre de choses ne marchera jamais ! ", " C'est dans l'esprit anglo-saxon, mais pas dans l'esprit français. " et surtout : " L'écriture, cela ne s'apprend pas ! " Que penses-tu de cette dernière assertion ? Dany Jeury : J'ai moi aussi entendu ce genre de phrase toute faite, l'idée doit être bien ancrée dans les esprits, tu as raison ! Et pourtant l'écriture, ça se travaille, c'est comme tout, non ? Personne ne naît en sachant lire et écrire que je sache bien sûr, certains font preuve d'un talent évident quand d'autres auront besoin d'un dur labeur pour parvenir à leur fin. Mais je persiste à croire que si on a vraiment la volonté d'y arriver, les cours d'écriture peuvent être un vrai coup de pouce. Présences d'Esprits : Existe-t-il une uvre ou un roman dont tu aurais été fière d'être l'auteur ? Dany Jeury : Peut-être Daddy de Loup Durant, que j'ai l'impression d'avoir lu dans un passé très lointain (il y a 10 ans !) et que j'ai ressenti comme un électrochoc. Une perfection à atteindre. J'adore les récits haletants, où les personnages sont forts mais attachants et l'intrigue tissée de mains de maître. Celui-ci reste un chef-d'uvre toutes catégories. Présences d'Esprits : Quelle carrière envisages-tu ? T'es-tu fixée des objectifs ? Penses-tu t'essayer à des choses différentes ? Dany Jeury : Carrière n'est pas le mot que j'ai envie d'employer. Mon avenir, je le vois s'épanouir dans l'écriture, bien sûr, mais je sais aussi qu'il s'inscrira dans un bon nombre de " petits boulots " alimentaires, qui viendront enrichir mon inspiration (et mon portefeuille !) Mes objectifs sont simples, continuer à travailler chaque jour, avancer à mon rythme et me faire plaisir en écrivant et en progressant ! Présences d'Esprits : Tu sembles très disponible pour venir dédicacer tes livres ou participer à des manifestations littéraires (on t'a vu au Salon du livre de Paris, à Utopia, à la dernière Convention de science-fiction de Nancy ). Tu apprécies les rencontres avec tes lecteurs ou bien est-ce un vrai cauchemar et n'oses-tu pas l'avouer ? Dany Jeury : Il est vrai que je me sens plus dans mon élément derrière mon écran d'ordinateur ou sur un sentier bordé d'oliviers, à rêver mille aventures. Les bains de foule, ça m'effraie un peu et puis quand j'y suis, la rencontre avec un tas de gens sympas me donne à chaque fois envie d'y retourner ! ! Présences d'Esprits : Pour finir, est-il indiscret de te demander sur quoi tu travailles actuellement ? Dany Jeury : Un roman pour Denis, bien entendu ! Interview réalisée par mèl, aux mois d'avril
et de mai 2001 par Christophe '652' Thiennot et parue dans le numéro
28 (été 2001) de la revue Présences d'Esprits
(Grands mercis à PdE, Christophe Thiennot et Georges Bormand).
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