© Nathalie Le Gendre
 

Pourquoi ai-je dédié
ce roman à Leonard Peltier ?

 par Nathalie LE GENDRE

 

Tout ce que vous allez découvrir ci-après sur Leonard Peltier a déjà été écrit, mais je vous en offre un résumé en piochant dans diverses références que vous trouverez à la fin de cette postface.
Ce qui arrive à cet homme, comme malheureusement à beaucoup d'autres, est aberrant.
Je parle en tant qu'être humain, en tant qu'individu révolté par l'injustice.

Leonard Peltier est un Indien lakota anishnabe, incarcéré depuis près de trente ans aux États-Unis pour un crime qu'il n'a pas commis.

Il fut un des leaders de l'AIM (American Indian Movement), une organisation créée en 1968 pour dénoncer l'humiliation, la misère, l'acculturation et la dépossession des Indiens d'Amérique, et pour attirer l'attention sur leurs conditions de vie dramatiques, par des actions spectaculaires, mais non violentes. L'AIM se bat contre l'alcoolisme, distribue de la nourriture, crée des programmes d'autosuffisance, restaure des activités religieuses traditionnelles, soutient la renaissance des langues autochtones.
Le FBI, farouche opposant de l'AIM, considère cette organisation comme subversive, et ses chefs comme des ennemis.
C'est pourquoi, dans les années 70, l'administration du président Richard Nixon met en place un programme de contre-espionnage interne pour infiltrer et déstabiliser les organisations dites " subversives ", dont l'AIM. Une milice paramilitaire privée, recevant secrètement armes et munitions sophistiquées du FBI, est également créée : les Goon Squads (Guardians of Oglala Nation).

Le FBI maintient sur les terres du peuple indigène ces soldats, véritables escadrons de la mort.

Le gouvernement américain procède à de multiples arrestations et accable le chef de l'AIM à l'aide de procès truqués et d'emprisonnements arbitraires.
La violence et les tensions s'intensifient.
Pour protester contre les brutalités des Goon Squads, les Sioux, aidés par des militants de l'AIM, occupent en février 1973 le village historique de Wounded Knee. Leonard Peltier participe à l'occupation. Les autorités assiègent le village pendant trois mois, hésitant à donner l'assaut, mais tuant deux Sioux.
En mai 1973, les assiégés se rendent après avoir exigé que des négociations s'ouvrent sur les traités violés et les conditions de vie des Indiens, mais les Goon Squads intensifient leur action et s'en prennent aux opposants dans les mois qui suivent, avec l'accord du gouvernement.
Une vague de terreur s'abat sur la population indigène dans la réserve indienne de Pine Ridge (État du Dakota du Sud) : quatre-vingt militants du mouvement AIM sont assassinés entre novembre 1973 et fin 1975.
Dans un entretien réalisé pour le Boulder Weekly en mars 2000, Ben Corbett pose la question suivante : " Je sais que vous l'avez répété des milliers de fois, mais à quoi ressemblait la pression qui existait sur Pine Ridge en 1975 ? " Voici ce que Leonard Peltier répond : " Je raconte cela sans discontinuer depuis vingt-quatre ans. Je ne peux que répondre comme je l'ai toujours fait. Il y avait un règne de terreur qui était imposé au peuple oglala lakota par son propre gouvernement tribal. Nous savons maintenant qu'il y a un organisme [NDT : la Commission sur les droits civiques des États-Unis] au sein du gouvernement américain qui a mené des investigations et qui, avant d'arriver à ses conclusions, avait déjà enquêté sur soixante-quatre décès qui ont été imputés à la milice des Goons de Dick Wilson. Les gens vivaient dans la peur. Ils vivaient dans une terreur constante. C'était comme ça. " (1)

Aucune enquête ne sera menée sur tous ces agissements illégaux.

Un matin de juin 1975, tout bascule…
La propriété dans laquelle les militants de l'AIM, dont Leonard Peltier, se sont établis va se retrouver cernée par des Goon Squads, des agents du FBI et une foule de policiers. Une fusillade éclate de tous côtés : deux agents du FBI sont découverts morts.
Une gigantesque campagne médiatique tente de criminaliser le mouvement indien. La répression règne dans toutes les réserves. Quatre mandats d'arrêt sont lancés, dont un contre Leonard Peltier, accusé d'avoir assassiné les deux agents du FBI.
À partir de là, tout n'est que mensonges et corruption : faux témoignages, fausses déclarations, fausses preuves, changement de chef d'inculpation en cours de route, etc.

Le FBI se rend coupable de parjure, de subornation de témoins et de la falsification d'une expertise balistique.

En 1977, Leonard Peltier est condamné à la double peine de prison à vie alors qu'il n'y a aucune preuve contre lui. En 1992, le procureur Lynn Crooks reconnaît même que le gouvernement américain ne sait pas qui a tué ses deux agents.
En 1993, les avocats de Leonard Peltier déposent une demande de grâce présidentielle à la Maison Blanche, grâce qui demande habituellement un délai de réponse de six à neuf mois… cela fait dix ans, maintenant.
Étant donné que Leonard Peltier est incarcéré depuis plus de vingt-cinq ans, il entre dans le processus de libération conditionnelle. La commission a arbitrairement rejeté sa demande à 2008 !
Aujourd'hui, malgré la pression et le soutien du Congrès national des Indiens d'Amérique, le Conseil national des Églises, Amnesty International, etc., Leonard Peltier ne peut donc obtenir ni la liberté conditionnelle ni une grâce présidentielle.

Leonard Peltier vit dans des souffrances physiques extrêmes.

Il a failli mourir en 1993 dans un hôpital pénitentiaire, au cours d'une opération bénigne de la mâchoire. En sortant du coma, il a été placé dans une cellule infestée d'insectes. Depuis cette intervention chirurgicale, il a la mâchoire bloquée. Les instances pénitentiaires refusent de lui accorder des soins.
Il souffre également de problèmes cardiaques et de diabète. Il a perdu une grande partie de ses facultés visuelles.
Selon Sylvain Duez-Alesandrini, partisan du Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques et coordinateur européen du Comité de défense de Leonard Peltier : " Il est donc reconnu qu'il est torturé pour raisons politiques. " (2)

L'opinion publique et de nombreuses organisations luttent à ce jour pour la révision du procès de Leonard Peltier.

L'ethnologue Jean-Marc Bertet écrit dans le Monde diplomatique : " Car il apparaît de plus en plus que le véritable crime de Leonard Peltier est d'être un Indien et d'avoir eu le tort de défendre les droits essentiels de ces peuples premiers avec lesquels l'Amérique n'a pas encore réglé sa dette historique. […] Ce combat est celui de la dignité volée à un homme, en raison de son engagement politique et de son origine ethnique. " (3)

J'espère que ce résumé vous a éclairé sur Leonard Peltier et sur ce qu'il subit. Nous sommes au XXIe siècle et l'être humain est toujours aussi barbare et irrespectueux envers son semblable…

Pour aller plus loin…

Lire
Écrits de prison, de Leonard Peltier (Albin Michel, 2000), ouvrage préfacé par Danielle Mitterrand, qui a rendu visite à Leonard Peltier dans sa cellule.
Les éditions Albin Michel ont décidé de reverser l'intégralité des bénéfices réalisés par la vente du livre au Comité de défense de Leonard Peltier (LPDC).

Site où vous trouverez un extrait du livre :
http://www.cnt-2eme-ur.org/HTML/DOSSIERS/JamalPeltier/dossierpeltier.html

Liens
(1) Entretien avec Leonard Peltier réalisé par Ben Corbett, journaliste américain, paru dans l'hebdomadaire Boulder Weekly la semaine du 9 au 15 mars 2000 : Caged Warrior (" Un guerrier en cage "). L'entretien restitue bien le contexte et les circonstances qui sont à l'origine de la condamnation et de l'incarcération arbitraires de Leonard.

(2) Interview de Sylvain Duez-Alesandrini (février 2000) .

(3) Article paru dans le Monde diplomatique (décembre 2002) .

Intervention de Jean Day, membre du Comité de défense de Leonard Peltier (LPDC, Kansas) et de l'AIM, à Vincennes .

Communiqué du Comité de défense de Leonard Peltier :

Agir
CSIA (Comité de soutien aux Indiens d'Amérique)
21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris
Tél. : 01 43 73 05 80 www.csia-nitassinan.org

Site de la pétition.


De nombreux sites en anglais sont à votre disposition, et d'autres en français, que je n'ai pas répertoriés.


Nathalie Le Gendre, le 23 décembre 2003