- Le genre de la science-fiction se
distingue nettement de la littérature
fantastique car il propose un univers
imaginaire, qui n'est pas ancré dans une
réalité qui peu à peu bascule dans
le surnaturel. Dès le début, le lecteur
sait (comme dans le conte de fées) à quoi
il s'attend. Il est plongé d'emblée dans un
univers futuriste. A
aucun moment le doute ne surgit; l'hésitation
entre l'interprétation réaliste et
l'interprétation surnaturelle (qui est propre au
fantastique) n'est pas possible.
La science-fiction se distingue
tout aussi nettement du merveilleux.
Contrairement au conte de fées, le récit de
science-fiction se veut vraisemblable. L'univers
proposé est certes différent de la
réalité, souvent déroutant, mais il
reste
crédible et
le lecteur peut
s'identifier aux
personnages principaux, qui sont rattachés
à un monde proche du nôtre. Sandiane est une
Agorienne, mais sa mère est une Terrienne, qui vit
encore sur Terre. La fin du roman se déroule
d'ailleurs en Australie. Il existe donc des points de
repère, des
références à un univers
connu, auxquels le lecteur d'aujourd'hui
peut adhérer.
- Plusieurs
éléments typiques de
l'univers de science-fiction peuvent
être repérés :
- le cadre spatio-temporel
La géographie est
élargie à l'hyperespace, l'action se
déroule sur des stations orbitales ou des
planètes qui n'appartiennent pas à
notre système solaire. L'Essaim regroupe les
Cent Mondes, dont le siège politique est la
planète Agora.
Autremer est
une planète essentiellement aquatique,
où l'environnement hostile a contraint les
habitants à vivre sur
des îles
et à construire un "réseau
sous-marin de trains sans chauffeur qui sillonnent
les hauts-fonds", le
"capillaire".
Elle se compose de huit zones d'eau ayant chacune
une capitale : Apalanche, Aënora, Callisto,
Miyande, Obériel, Rhéa, Thétys
et Umbrione.
La fin de l'histoire se déroule sur
la Terre
(appelée "planète-mère"
p.47), en Australie, où vit Maÿla Minh,
la mère de Sandiane. La Terre est devenue
"un lieu de villégiature prisé,
après des siècles sombres."
Le temps se mesure en UG ("temps Unifié
Galactique") ; on sait que l'année
autremerienne est un peu plus courte que
l'année terrestre, qui semble rester la
référence.
- les objets et
engins
Les véhicules sont typiques de l'univers de
science-fiction : des vaisseaux spatiaux de la
"TransCorp" aux petits wagons tubulaires du
"capillaire", sans oublier les
"scoograv" (scooters antigrav), tous les
moyens de transport sont adaptés à
l'environnement futuriste du roman.
Les appareils de communication, et
particulièrement le matériel des
journalistes, sont extrêmement
sophistiqués et ultra-perfectionnés :
la "volcam", objet inséparable de
Sandiane, les "traceurs", les micros et
objectifs miniaturisés, quasiment
invisibles, les réseaux de communication qui
relient les Cent Mondes.
- les personnages
Les Agoriens ( Sandiane et son
père) sont d'origine terrienne, de
même que les Autremeriens (les Maguelonne,
les Kelleven), qui sont les descendants de colons
terriens, dont le caractère a
été particulièrement endurcis
en raison des difficiles conditions climatiques de
la planète-océan.
Tous les personnages sont
des humains.
Les seules créatures
hybrides sont les monstres
sous-marins qui vivent dans les fosses profondes (
le "merlion", le "squalanha") et ne
sont pas sans évoquer les bêtes
monstrueuses de la mythologie antique.
Quant aux
Bathys , qui
se métamorphosent en
Abîmes
à l'âge adulte, ce sont à la
fois des vaisseaux et des animaux, des
cétacés géants venus d'on ne
sait où et capables d'une relation
fusionnelle ("l'osmose") avec un humain
qu'ils choisissent ( le ou la "perl"). Ils
ont une volonté, une sensibilité, une
faculté d'adapter leur corps à
diverses situations; ils éprouvent des
sentiments (Mané-jeï se laisse
dépérir de chagrin après le
départ de Sandiane). Ils accèdent
ainsi au statut de personnages de science-fiction
à part entière.
- la présence de grands
mythes (souvent revisités)
L'univers de science-fiction est
souvent porteur de grands mythes, transposés
dans le futur, et les références
mythologiques y sont parfois abondantes. La
science-fiction, qui envisage l'avenir possible de
l'humanité à plus ou moins long
terme, prend bien sûr en compte le
développement scientifique et technologique
de nos sociétés, mais s'ancre aussi
profondément dans l'imaginaire collectif qui
s'appuie sur les grands
mythes fondateurs de notre
civilisation.
Le mythe du vaisseau
organique, déjà
présent dans plusieurs romans de SF, croise
ici celui du
cétacé
géant, du monstre marin, dans
le corps duquel l'homme peut se retrouver : le
récit biblique de
Jonas ou les
aventures du
Pinocchio de
Collodi en
sont des exemples. Mais, dans ce roman de Danielle
Martinigol, l'humain ne combat pas le géant
des mers, comme le fait le capitaine Achab dans le
roman d'Herman
Melville où
Moby Dick est
une baleine blanche monstrueuse, il ne le fuit pas
comme dans la nouvelle de
Dino Buzzati
intitulée Le K, il construit
plutôt une relation harmonieuse et complice
avec l'animal. Ce dernier est d'ailleurs clairement
distingué du
Léviathan,
cette créature mythique associée au
Mal. Ici, l'Abîme n'est pas un gouffre
destructeur pour les hommes, il est un ami fiable
et fidèle. Il est plus proche des baleines
fabuleuses mises en scène par
Walt Disney
dans Fantasia 2000, qui font rêver les
enfants et s'élancent en dansant,
au-delà des nuages, sur une musique de
Respighi.
La planète-océan évoque elle
aussi un monde légendaire : " Pour
beaucoup de gens, Autremer est un mythe..."dit
même Sten Ravna (p. 51). Toutes ses villes
sous-marines portent des noms de légende,
qui allient astronomie et mythologie, comme
Rhéa ou Thétys, à la fois
déesses grecques et satellites de
Saturne.
- les avertissements au
lecteur d'aujourd'hui
Le récit de SF peut se lire comme une
parabole. Sous la loupe de la fiction apparaissent
les travers de notre société
actuelle, les dangers qui peuvent nous menacer, les
dérives possibles d'un progrès
technologique et scientifique sous la coupe du
profit.
La science-fiction, tout en offrant une
évasion vers l'imaginaire, invite donc le
lecteur à réfléchir sur son
temps et peut se définir comme un genre
visionnaire, qui ramène constamment le
lecteur vers la réalité.
Deux pistes de réflexion se dessinent ici en
filigrane au fil de l'intrigue :
- une réflexion sur
l'information, sa finalité, ses
dangers, ses limites
- une réflexion écologiste
qui soulève la question des droits des
hommes sur l'environnement.
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